Mission Flash…Toujours suspendus!
Suite à la conférence de presse du 11 juillet.
Il se trouve que j’ai un cancer, incurable. Pour éviter que la maladie ne soit aggravée par une quelconque comorbidité, je dois prendre soin de ma santé au mieux (sport, alimentation, etc.) et espérer que le cancer n’avance pas trop vite. Mon bon vieux médecin, qui me suit depuis de longues années, m’a fortement déconseillée le « vaccin » contre la covid afin de ne pas prendre le risque de déstabiliser mon organisme et, ainsi, d’éviter que le cancer ne s’accélère. De ce fait, j’ai rapidement pesé les bénéfices et risques que ce « vaccin » comportait pour moi et j’ai décidé, en âme et conscience, de ne pas subir l’injection.
Cela faisait 13 ans que je travaillais, sans compter, pour l’hôpital en tant que psychologue. J’étais fière de travailler pour le service public, fière d’appartenir à cet hôpital qui m’a vue grandir. Malgré les conditions salariales misérables (10€/h en début de carrière, 15€/h avec 13 ans d’ancienneté pour un bac+5), malgré les maltraitances institutionnelles régulières, je tenais le cap. J’étais très engagée, à la fois dans mon travail clinique auprès des patients, mais aussi au niveau institutionnel. Mes évaluations annuelles par ma chef de service étaient toujours très élogieuses.
Formée au psychotrauma, au tout début de la pandémie, on m’a demandé de monter un dispositif de soutien aux soignants. J’ai travaillé sans rechigner (60 à 70h / semaine). Dès mars 2020, ce dispositif a proposé des binômes infirmier / psychologue se relayant sur des plages horaires variées (jour et nuit) pour aller soutenir les soignants au front. Il fallait trouver une douzaine de psychologues pour faire fonctionner ces permanences. Il m’a paru évident que je devais en faire partie et, la trouille au ventre, j’ai fait le choix d’aller au front, c’est-à-dire de me rendre dans les services où le virus était présent. Mes collègues psychologues du service où je travaillais à la base ont fait le choix de rester confortablement chez elles parce qu’elles avaient trop peur d’attraper ce foutu virus. Bien évidemment, nous étions payés de la même façon. La fonction publique, c’est ça aussi : le fait qu’on soit engagé n’est pas récompensé. Sauf que je n’aurais pas pu me regarder dans la glace le matin en me disant que je n’avais rien fait dans cette pandémie. Mon engagement a été plus fort que ma peur.
Juillet 2021, bouleversée par ces mois que je venais de vivre, j’ai décidé de changer de poste pour me rapprocher davantage des soignants, en collaborant avec eux sur le terrain : j’ai décroché un poste dans le service de réanimation, toujours dans le même hôpital. Dans la foulée, le gouvernement a voté cette loi qui imposait la vaccination aux soignants. Je ne pouvais y croire, je n’arrivais pas à mentaliser ce que cela signifiait pour moi concrètement. Croyant toujours, à cette période, à la bienveillance de nos instances gouvernementales, appuyée par mon médecin, j’ai écrit à l’Assurance Maladie afin d’avoir une dérogation pour éviter de subir l’injection et de pouvoir, malgré tout, continuer à travailler. Il a fallu des semaines d’attente et plusieurs relances de ma part pour qu’on me réponde, au final, que je devais me faire « vacciner » malgré les contre-indications de mon médecin…
J’avais alors un choix très clair à faire : ne pas prendre de risque pour ma santé ou perdre mon travail… Cela paraît tellement évident, à présent, de savoir quel est le juste choix à faire ! J’ai honte d’avouer que j’ai pu hésiter… Ce n’est même pas un instant que j’ai hésité mais ce sont sur plusieurs semaines que j’ai tergiversé. Heureusement qu’un ange bienveillant a croisé ma route et m’a dit tout simplement : « Mais enfin, Isabelle… ». Je ne la remercierais jamais assez.
Le 21 septembre 2021, j’ai été fusillée, à bout portant… Pourtant, je le savais que ça allait arriver. Ce jour-là, j’avais pris rendez-vous avec mon futur chef de service pour lui annoncer que j’allais être suspendue et que je ne pourrai intégrer son service. J’étais infiniment triste de devoir renoncer à un poste qui me paraissait passionnant, plein de challenges à relever. Cet homme, médecin de son état, a passé une heure à m’exploser la tête en me disant que j’allais finir en réa en tant que patiente (et non pas en tant que psychologue !), que j’allais mourir puisque je n’acceptais pas cette injection qui était une « bénédiction », que j’allais laisser 2 orphelins sur le bord de la route, que j’étais inconsciente, que je n’avais pas le droit de le laisser tomber, etc. Je ne pouvais plus parler, je ne pouvais plus réagir (il aurait été judicieux que je parte rapidement de son bureau), j’étais pétrifiée et me suis laissée maltraiter pendant une heure. Je suis sortie en état de choc, comme assommée, me perdant même dans les couloirs de cet hôpital que je connaissais si bien…
Dans la foulée, j’avais rendez-vous avec le DRH qui m’a annoncé ma suspension officielle. C’était tellement injuste, abject, violent. Cependant, le DRH est le seul être humain de cet hôpital qui a fait preuve d’un brin d’humanité en me disant qu’il était « désolé de devoir de séparer d’une psychologue de ma qualité ». J’étais tellement assommée par le matraquage de mon ex-futur chef de service que l’annonce de ma suspension m’a presque paru douce. J’ai pu verser une larme et dire tout simplement : « Alors cela signifie que je ne peux plus venir travailler à l’hôpital ? ».
Dans les jours précédents, ma chef de service et chef de pôle m’avaient invitée à une petite entrevue pour m’affirmer qu’en faisant ce choix, je « me mettais en marge de la société » et bien d’autres propos culpabilisant au possible.
En tout cas, la douleur la plus aigüe que j’ai pu vivre a été le fait que mes collègues m’aient tourné le dos, au sens propre comme au figuré. Après 13 ans de collaboration, je n’existais plus à leurs yeux, plus personne ne m’adressait la parole et je suis partie comme si je n’avais jamais existé.
Tout au long de ce parcours, j’ai souhaité garder pour moi les motivations qui m’ont amenée à faire le choix de ne pas subir l’injection car je n’avais aucunement envie d’étaler mes problèmes de santé.
Vendredi 1er octobre 2021, dernier jour de travail. Mon engagement auprès des patients m’a poussée à travailler jusqu’à la dernière heure : j’avais le compte-rendu d’une évaluation psychologique à boucler, je voulais finir dignement et faire en sorte que ce soit à la hauteur du travail de qualité que j’avais toujours fourni jusque-là. La tête haute, à 18h, j’appuie sur le bouton « Envoyer » de ma messagerie pour transmettre le compte-rendu à la responsable de l’unité. Un message d’erreur m’est apparu : « Votre compte n’existe plus ». Voilà, c’était acté : j’étais décapitée.
En plus de l’aspect traumatique de la perte de mon emploi que j’investissais tant, je devais assumer de vivre comme une paria de la société puisque j’étais refusée partout (cours de musique, salle de sports, ciné, restos, TGV…). Je me suis ratatinée, isolée, coupée de mes loisirs et de mes amis (certains d’entre eux estimant que je virais « complotiste », voire « paranoïaque »). Et puis, comment allais-je survivre financièrement aussi ? On ne se rend pas compte de ce que ça peut être d’être coupée de son salaire du jour au lendemain… Ce ne sont pas deux orphelins que j’ai laissés sur la touche mais deux gamins en études supérieures dont la maman perd son salaire.
Je suis une thérapie en EMDR (centrée trauma), de façon hebdomadaire. Certes, cela m’a sauvé la vie mais je reste encore fragile. Il y a peu, j’avais rendez-vous avec mon hématologue dans cet hôpital, pour le suivi de ma maladie. J’ai cru que j’étais « guérie » de mon trauma et que je pouvais, à nouveau, remettre les pieds dans cet endroit… Mais, arrivée là-bas, j’ai commencé à présenter les symptômes d’une attaque de panique, mon corps me disait tout simplement de fuir. J’ai résisté car cette consultation était importante pour ma santé. Et j’ai été malade la semaine qui a suivi. Je crois que je ne suis pas encore vraiment remise de toute la violence que j’ai reçue, à tous les étages.
Aujourd’hui, je ne veux plus penser à la tristesse infinie que j’ai ressentie, au désespoir par moment qui m’a fait douter de l’intérêt de vivre, à la haine profonde que j’ai eue pour ces gens qui ont décidé de me décapiter, au dégoût que j’ai éprouvé pour l’être humain qui peut se montrer profondément abject, cruel, monstrueux.
Pour le reste de mes jours, je ne veux garder en moi que l’apaisement que je vis, chaque jour, à être sortie de cet enfer de l’institution, que l’amour et la bienveillance que je reçois des personnes qui ont croisé ma nouvelle vie.
Jamais je n’oublierai.