Témoignage d’un médecin généraliste Ile de la Réunion Mission Flash…Toujours suspendus! Médecin généraliste Ile de la Réunion Les cagnottes Série témoignage 64 Suite à la conférence de presse du 11 juillet. J’écris ce jour car je voudrais que les patients, la population sache. Je suis une médecin généraliste de 42 ans à la Réunion. Je suis installée dans un cabinet solo dans une zone où il n’y a plus que moi qui prend de nouveaux patients nécessitant des visites à domicile. J’encadre des étudiants de 7 et 8ème année de médecine au sein de mon cabinet, étant maître de stage universitaire, car j’ai à coeur de transmettre mon métier. Je réalise des astreintes dans le cadre de la permanence des soins ambulatoires car je suis attachée à la notion de service public. Je suis soucieuse de l’évolution du soin et de notre métier, j’ai pris des responsabilités au sein d’un syndicat en juin 2021. La loi du 5 août 2021 concernant l’obligation vaccinale contre la Covid est votée. Je décide de ne pas répondre à cette injonction. Je n’en expose pas les raisons ici, ce n’est pas le propos. Je précise juste que je suis loin d’être « anti-vaccin » (et je déteste par-dessus tout ces étiquettes binaires « pour » ou « contre », qui n’ont pas lieu en médecine où la règle est le « bénéfice/risque » individuel et collectif). Je cherche donc à protéger à la fois ma patientèle et l’emploi de ma secrétaire. Eh oui, si je ferme tout le monde se retrouve à la rue. Ma décision n’engage pas que moi. Je commence d’abord par me faire des tests antigéniques tous les 3 jours et je cherche un(e) remplaçant(e) du 15 septembre à fin octobre pour être « dans les clous », ne pas exercer dans l’illégalité, le temps de trouver un(e) successeur(e) pour mon cabinet. Car oui au départ, c’est tellement flou que nous ne savons pas que nous ne pouvons pas nous faire remplacer… J’avertis l’ARS de mes démarches de remplacement et de recherche de successeur. Je trouve un médecin pour me remplacer jusqu’à fin octobre mais celui-ci « laisse tomber » le cabinet du jour au lendemain mi-octobre après avoir contacté l’ARS et appris qu’il ne pouvait pas me remplacer légalement (alors que le Conseil Départemental de l’Ordre des médecins -CDOM- n’avait pas refusé le contrat de remplacement – Quand ce médecin remplaçant a également contacté le CDOM, ce dernier a répondu qu’il ne pouvait pas savoir quel médecin était vacciné ou non…). Je reprends donc au cabinet dans l’illégalité pour assurer les soins de mes patients et ne pas mettre ma secrétaire dans la précarité. J’ai trouvé un successeur mais il ne sera là que début 2022. Je reprends mes tests antigéniques tous les 3 jours pour travailler, puis tous les jours puisque les politiques ont décidé de raccourcir leur « durée de validité ». Je ne veux rien devoir à personne, j’achète mes tests au pharmacien et je m’auto-teste (je suis devenue une experte de mon nasopharynx !). Je sollicite l’ARS et le CDOM pour trouver une solution d’attente jusqu’à l’arrivée de mon successeur. Aucune réponse de l’ARS tandis que le CDOM me rappelle juste la loi et m’explique que la continuité des soins c’est adresser mes patients à un confrère. J’appelle le seul confrère du secteur pour l’avertir de la situation et que malgré les risques encourus (pénaux, ordinaux, financiers et de responsabilité médicale – l’assurance de responsabilité civile professionnelle devenant caduque avec l’interdiction d’exercice) je maintiendrai ce qui est pour moi la vraie continuité des soins. Il me confie qu’il est épuisé et comptait me solliciter pour prendre quelques jours de repos, fermer son cabinet, ne trouvant pas de remplaçant actuellement… L’activité médicale est très dense en décembre-janvier à la Réunion avec le pic épidémique Covid. Je ne compte pas mes heures, les journées s’allongent encore… Je soutiens les IDE très fortement sollicitées à domicile… Et je signe la vente de mon cabinet (bien évidemment bradé) pour le 1er février 2022, je vois enfin le bout… (Mes fosses nasales n’en ont même pas marre de se faire visiter chaque jour !!!). Début janvier 2022, je reçois un courrier de la Caisse Générale de Sécurité Sociale qui me rappelle que les sommes versées par la caisse pour honorer mes prescriptions faites pendant mon interdiction d’exercice, quelques soient les bénéficiaires (c’est-à-dire le pharmacien, les IDE, les kinés, etc), seront appelées au remboursement. Je continue malgré tout à travailler, à soigner, chaque jour. Je passe entre les gouttelettes de Covid. Au 30 janvier, ici à la Réunion, les transmissions de nos cartes professionnelles (CPS) avec la CGSS sont bloquées ainsi que notre espace professionnel sur Amélipro (pour établir notamment les arrêts de travail, bon de transports, ALD…). La facturation étant en tiers payant intégral cela signifie l’absence de toute rémunération. Au 1er février, la CGSS n’a pas encore attribué son numéro ADELI à mon repreneur… Nous faisons un compromis : je travaille bénévolement, il couvre les charges du cabinet (le loyer, le salaire de la secrétaire, etc…). Mais pour la CGSS, j’ai vendu mon cabinet et progressivement mes ordonnances sont refusées en pharmacie, chez le kiné… Cela devient urgent qu’il puisse travailler. Le 21 février, le nouveau médecin peut enfin exercer dans son cabinet. Ce cabinet médical que j’ai acheté en 2016 à un médecin partant à la retraite. Je l’ai totalement informatisé (les visites inclues), j’ai développé la patientèle (qui a plus que doublée) et le réseau paramédical. J’épaule mon jeune confrère dans la reprise du cabinet, tout en organisant ma ré-orientation professionnelle. Je m’inscris à Pôle Emploi même si je n’ai droit à aucune prestation d’indemnisation. Une attestation d’interdiction d’exercice m’est demandée à défaut d’un certificat de radiation de l’Ordre des Médecins. Je sollicite le CDOM, celui-ci me dit qu’ils ne savent pas que je suis interdite d’exercice ( !!! car oui je suis toujours inscrite mais comme « sans exercice ») car ce n’est pas le CDOM